AICAR : LE NOUVEAU PRODUIT DOPANT A LA MODE
De nos jours les méthodes de détection du dopage chimique sont très variées, elles se perfectionnent de plus en plus, ce qui permet de rendre compte d’un nombre plus exact de tricheurs dans la communauté sportive.
Néanmoins, plusieurs athlètes continuent de tricher en utilisant de nouvelles substances qui sont difficiles à détecter voire non détectables à l’heure actuelle. Ces molécules encore peu connues du grand public sont censées être « miraculeuses » permettant aux athlètes de fournir un effort encore plus important, de réaliser des performances exceptionnelles et de faire tomber de plus en plus de records.
Malheureusement, ces substances ne sont pas sans danger pour les sportifs. Peu ou pas de recherches ont été menées sur leurs effets , elles pourraient avoir de lourdes conséquences à moyen ou long terme sur la santé des sportifs.
Nous allons nous pencher dans un premier temps sur le cas de l’AICAR, un modulateur métabolique utilisé dans le domaine des épreuves d’endurance, qualifié de nouvel EPO et considéré comme une molécule miracle car elle provoque la fonte des graisses au prix d’un maigre effort. Est-ce une molécule miracle car elle a un effet amaigrissant ? Ou bien simplement car elle permet d’utiliser les réserves de graisse comme substrat énergétique. Or ce sont les lipides qui ont le meilleur apport énergétique (9 kCal/gramme de lipides contre 4 kCal/gramme de glucides ou protides).Ce produit chimique (car ce n’est en aucun cas un médicament) est malheureusement disponible sur internet pour le public en dépit des dangers qu’il présente.
1 L’Histoire de l’AICAR
L’AICAR ou acadésine est une molécule connue depuis 1956. Elle a été mise sur le devant de la scène quelques mois avant les JO d’été de Pékin en 2008, lors d’essais effectués par le Professeur R.Evans sur des souris. L’étude d’Evans a montré que les souris ayant pris de l’AICAR pendant 1 mois ont perdu du poids et ont gagné 44 % d’endurance.
2 L’AICAR: structure et mode de fonctionnement.
L’AICAR ou 5-aminoimidazole-4-carboxamide se possède une structure proche de l’AMP. Or, l'AMP est produit durant l'effort musculaire ou plus généralement le stress énergétique (c'est-à-dire l'utilisation d'ATP par l'organisme). Il faut donc, avant d'aller plus loin dans la description du fonctionnement d' AICAR , comprendre plus précisément le fonctionnement de l' ATP dans l'organisme.
2.1) Le fonctionnement de l'ATP dans l'organisme:
Comme nous l'avons expliqué dans la page du blog destinée à l'explication du fonctionnement des muscles l'ATP (Adénosine Tri Phosphate) est une molécule, plus précisément un nucléotide qui contient 3 phosphates. Les muscles ont besoin d'ATP pour se contracter. Un effort intense des muscles va donc provoque une chute du taux d'ATP dans les cellules musculaires. . ( se fixe sur des protéines pour les activer. L’ATP va se fixer sur la protéine qui va subir une phosphorylation ( c'est à dire recevoir un phosphate de la part de l'ATP) l'ATP devient alors l'ADP) puis va se détacher de la protéine. La présence du phosphate dans la protéine permet à la protéine de s’activer et de remplir son rôle ou si elle est déjà active, la protéine va se désactiver.
Maintenant, Vous Le Saurez!
Durant la Guerre froide en Allemagne de l'Est, les injections de testostérone et d'anabolisants étaient pratique courante, voire systématique, y compris chez des enfants. #MVLS
Schéma expliquant L'activation d'une protéine par L'ATP
Pour produire cette ATP les cellules mettent en place 3 voies métaboliques (voir la page Muscle et dopage). Or en cas de carence extrême en ATP comme pendant un effort par exemple les cellules mettent en place une quatrième voie métabolique. Les cellules vont utiliser deux molécules de type ADP pour créer une molécule d’ATP et une molécule d’AMP. Dans cette situation, la concentration en AMP dans les cellules vont augmenter. L'AMP a pour rôle de signaler la carence en ATP dans la cellule , elle va stimuler la cellule de manière à ce qu'elle améliore sa production d'ATP en améliorant ses différentes voies métaboliques tout en réduisant sa consommation en ATP. Ces modification se font grâce à une protéine sensible à l'AMP qui s'appelle AMP-dependent protein kinase ou AMPkinase.
2.2) Comparaison entre AMP et AICAR
Comme nous vous l'avons précisé précédemment, AICAR et AMP se ressemblent beaucoup.
Veuillez observer leurs formules semi-développées pour preuve:
Structure de l'AICAR
Structure de l'AMP
La principale différence entre ces 2 molécules se situe au niveau du noyau pyrimidique, ouvert chez l’AICAR et avec la présence d’une fonction amide.
"Mais qu'est-ce que ça a à voir avec le dopage?" nous demanderez-vous. Et bien cette ressemblance entre ces deux molécule a totalement à voir avec le dopage et nous allons vous expliquer pourquoi. Cette similitude entre ces deux molécules leur permet à toutes les deux d'activer AMPkinase qui est la clé de l'effet dopant d'AICAR. AICAR est ce que l'on appelle un agoniste, après avoir été injecté dans le corps elle va pénétrer les cellules et activer artificiellement AMPkinase comme le fait l'AMP qui, elle, n'active l'AMPkinase que pendant une période de carence en ATP. Ce sont alors les effets d'AMPkinase qui sont la source du dopage chez les athlètes car celle-ci va améliorer les voies métaboliques et le nombre de mitochondries présentes dans le corps. Ces effets sur le long terme permettent d'obtenir des cellules musculaires capable de produire beaucoup plus d'ATP donc des cellules plus endurantes .
3) Le fonctionnement d'AMPkinase
L’AMPkinase est une protéine kinase aussi appelée AMPk, c'est une enzyme ubiquitaire, c'est-à-dire qu'on la trouve dans presque toute les cellule du corps humain. Elle est activée par l’AMP. L’AMP kinase une fois activée va réajuster la balance énergétique cellulaire.
Voici un schéma récapitulant comment le taux d'AMP augmente dans le corps et comment cette augmentation permet l'activation de l'AMPk (ici AMPk est désignée par le groupement PRKAA2 ,B1 et G1):
3.1)Une meilleure consommation des sucres
L’ activation de l’AMPK est associée à une diminution du taux de glycogène produit. Le glycogène est un sucre de réserve qui quand il est formé, consomme du glucose. Or le glucose est le sucre utilisé par la glycolyse. Cette diminution de production de glycogène est due à la phosphorylation (acquisition d’un phosphate) de la glycogène-synthase par l’AMPk qui entraîne l’inhibition de l’activité de la glycogène-synthase ce qui réduit la consommation d'ATP de la cellule. L’AMPk couple cette inhibition à l’activation de la protéine PFK-2 (par phosphorylation) qui catalyse la synthèse de fructose 2,6-bisphosphate, un stimulateur de la glycolyse. L’AMPk quand elle est activée permet donc la mobilisation des sucres (plus précisément du glucose) pour produire plus d’ATP.
Schéma des effets d'AMPk sur la consommation des glucides
3.2)Une consommation des lipides qui prévaut sur celle des sucres
Aussi l'activation d’AMPK luiLa phosphorylation de l’Acetyl-coA Carboxylase ou ACC (enzyme contribuant à la synthèse des lipides dans l’organisme) par l’AMPk rend cette enzyme inactive. Cela se traduit par une chute du taux de production de lipides et la fin de l’inhibition de l’activité de CPT-1b, protéine responsable de l’entrée d’acides gras dans la mitochondrie. Cela, qui entraîne une augmentation de la quantité d’acides gras utilisés dans la mitochondrie pour faire la β-oxydation, elle devient alors la voie majoritaire méthode de production d'ATP dans la cellule.
Cette stimulation de la β-oxydation ainsi que l’augmentation du taux de glycolyse permettent une synthèse d’ATP plus importante afin de convenir aux besoins énergétiques de la cellule . Cette plus grande utilisation des lipides par la mitochondrie entraîne une consommation importante des graisses chez l’individu
Schéma des effets de l'AMPk sur la consommation des lipides par les mitochondrie
3.3) Développement du réseau mitochondrial
AMPK est la principale molécule régulatrice des mécanismes de transcription impliqués dans la production de mitochondrie (l’organite ayant pour fonction de produire de l’ATP) .Cette implication de l'AMPk dans la production en mitochondrie est due au fait qu’elle contrôle l’activation de la protéine appelée PGC-1α. Or, il a été prouvé par des études menées sur des souris que des souris ayant des AMPK ou des PGC-1α défaillantes voient le taux d’expression de leurs gènes mitochondriaux (les gènes exprimés pour produire des protéine mitochondriales) diminuer. Ces souris étaient aussi beaucoup moins sportives. Il a aussi été observé que l’utilisation d’AICAR ne pouvait pas augmenter le nombre de mitochondries dans les muscles de souris ayant une carence en protéine PGC-1α.
Tous ces mécanismes de l’AMPk permettent une augmentation du taux d’ATP et une réduction des réserve de graisses dans tout le corps. Ces mécanismes permettent les progrès de l’endurance d’un être humain soumi à des exercices physiques réguliers. Une stimulation artificielle de cette enzyme couplée à un effort physique régulier décuple les performances d’un athlète. AICAR est une molécule capable d’un tel effet.
En résumé:
AICAR étant un agoniste de l’AMPK, elle va activer le système métabolique de l’AMPk à la seconde où elle sera en contact avec cette dernière. Étant donné que cette activation prend normalement place dans un contexte d’effort physique afin de palier à une potentielle carence en ATP, que ce soit durant l'effort en lui-même ou pour les efforts à venir, AICAR permet d’augmenter le réseau mitochondrial d’un organisme avec un effort moindre et de consommer les lipides de réserve qui, oxydés, permettent une plus grande production énergétique que les glucides. Cela explique son intérêt dans le dopage des sportifs dans les compétitions d’endurance. Le problème est que AICAR entraîne des effets secondaires lourds allant de la toxicité cardiaque aux effets cutanés et, plus grave, à des tumeurs cérébrales, cardiaques ou du foie, avec de lourds problèmes hépatiques. Les sportifs sont d’autant plus fous de les utiliser qu’ils mélangent souvent plusieurs produits dopants.
Toutefois le principe de fonctionnement d’AICAR laisse paraître une lueur d’espoir dans le traitement de certaines maladies. En effet, l’activation pharmacologique de l’AMPk pourrait être une nouvelle voie thérapeutique dans la prise en charge de l’insulinorésistance et du diabète insulino-indépendant.